C'est pendant le festival nantais de science-fiction, les Utopiales 2018, que j'ai enfin pu découvrir ce classique du cinéma fantastique, l’île du docteur Moreau de Keaton étant la troisième adaptation du roman de H.G Well publié en 1896, après celles de 1913 et de 1921, et étant considérée comme l'une des plus fidèles et des mieux réalisées.
Un grand classique du cinéma de genre qu'il est plutôt intéressant d'avoir à son registre.
Réalisateur : Erle C. Keaton
Acteurs : Charles Laughton, Richard Arlen, Leila Hyams, Béla Lugosi, Katherine Burke.
Naufragé au large des îles Samoa alors qu'il se rendait à Apia pour y retrouver sa fiancée, Edward Parker est secouru par un navire marchand et soigné par le docteur Montgomery. Il est prévu de le débarquer à Apia, destination du navire, ce qui arrange bien Parker. Malheureusement, après s'être battu avec le capitaine du bateau en prenant la défense d'un étrange homme au faciès étonnamment canin, il est jeté par-dessus bord à la première escale. Une escale destinée à livrer une cargaison d'animaux sauvages à un certain docteur Moreau à la réputation douteuse.
Forcé d'accepter l'invitation du bon docteur à passer la nuit sur son île avant de pouvoir être transporté jusqu'à Apia, Parker se rend vite compte que quelque chose cloche sur cette île ou le docteur est tout sauf rassurant et où les natifs ont un physique à la limite de la bestialité. Il se retrouve pris au piège entre les griffes du docteur qui souhaite utiliser le jeune homme dans le cadre de l'une de ses expériences. Une expérience en rapport avec une mystérieuse jeune femme qui semble connaître bien peu de choses du monde qui l'entoure.
Etrangement, ce film, qui date pourtant de 1934, est de ceux qui ne prennent pas vraiment d'âge si ce n'est pour devenir meilleurs. Il n'y a pas pléthore d'effets spéciaux qui auraient pu très mal vieillir et les créatures sont bien travaillées et suffisamment réalistes pour que l'on puisse plonger tête première dans l'intrigue. Les acteurs sont bons, même si on reconnait un style plus théâtral que l'on peut retrouver parfois dans les films de l’époque et que les personnages restent assez caricaturaux dans l'ensemble : le scientifique fou, le héros au physique de tombeur et à la morale presque inébranlable, la fiancée qui ferait tout pour l'amour de sa vie, la jeune donzelle en détresse (mais pas que, ouf.)...
Le rythme est soutenu et même si l'intrigue n'est pas extrêmement surprenante, tout est même plutôt prévisible, elle n'en reste pas moins suffisamment bien construite pour offrir au spectateur un bon divertissement et lui permettre de découvrir l'oeuvre de Wells avec une adaptation, si des libertés sont évidemment prises, fidèle à l'esprit du roman d'origine.
Question d’époque aussi (on va dire), la place de la femme qui n’est pas très reluisante mais cela est aussi dû à l’œuvre de base. La condition de femme est même moquée ouvertement par le docteur Moreau, clairement de plus en plus sympathique... J'ai aussi trouvé très bien rendus et donc assez malaisants l’attitude et le regard lubrique des créatures, toutes mâles, qui voient une femme pour la première fois. Inutile de préciser que leurs intentions à leur égard sont tout sauf honorables.
Pour conclure, je dirais qu’il s’agit d’une fable sur la condition de l’être humain et notamment sur l’importance de l’identité car ici, bien que le docteur veuille faire de ses créatures hybrides des hommes, il va à l’encontre de leur nature en les obligeant à refouler leur part animale, ce qui ne peut, évidemment, que mal se terminer.
« Quelle est la Loi ?
Ne pas marcher à quatre pattes, c’est la Loi. Ne sommes-nous pas des hommes ?
Quelle est la Loi ?
Ne pas manger de viande, c’est la Loi. Ne sommes-nous pas des hommes ?
Quelle est la Loi ?
Ne pas faire couler le sang, c’est la Loi. Ne sommes-nous pas des hommes ? »
Illogical Logic